Attention, Lucy Loyd's Nightmare n'est pas un livre comme les autres. Il ressemble à un recueil d'histoires d'horreur façon EC Comics (Les contes de la Crypte) et, en un sens, c'en est un. Mais pas seulement. Ce bouquin est avant tout une porte. Une porte vers un univers déjanté où aucune des règles que vous connaissez ne s'applique. Où la frontière entre la fiction et la réalité s'estompe. Où l'auteur ne se distingue plus de son personnage. Oui, c'est une porte. Ca tombe bien : les ouvrages de Lucy Loyd's commencent toujours par une porte.
Intrigués, chers lecteurs ? Il y a de quoi. Car expliquer le principe même de cette BD revient à gâcher l'effet de surprise. Si vous voulez garder le plaisir de la découverte, je vous conseille d'abandonner la lecture de cet article et d'acheter de ce pas cet ouvrage. Vous ne le regretterez pas. Et si vous souhaitez en savoir plus, nous allons essayer de vous expliquer ce à quoi vous devez vous attendre sans pour autant tout dévoiler. Allons-y !
Tout d'abord, qui est l'auteur ? Facile, vous répondrai-je, c'est Lucy Loyd, la papesse de l'horreur entourée de mystère dont chaque nouvel opus est attendu par des hordes de fans. Et d'ailleurs, dans le dernier en date, celui que Delcourt vient de commercialiser, la vieille demoiselle à l'inquiétante imagination apparaît dans son propre récit. Évidemment, vous aurez compris que Lucy Loyd n'existe pas, qu'elle est un personnage de fiction, bien qu'elle soit créditée comme scénariste du présent recueil. Vous en serez quitte si vous souhaitez connaître la véritable identité de l'auteur. Car Lucy Loyd's Nightmare est la seule vedette ici, ce livre étant lui-même son propre sujet. Une BD qui parle d'elle-même avec un auteur fictif qui apparaît dans sa propre fiction ? Un peu vertigineux, pensez-vous ? Peut-être, mais surtout jubilatoire.
Ce petit bijou d'écriture est à la fois très accessible et d'une complexité incroyable. Accessible car il reprend toutes les caractéristiques des anthologies d'horreur des années 50 à 70 :
un narrateur peu rassurant y présente différents contes morbides avec un humour plus noir que du sang versé dans une ruelle obscure.
les histoires y sont courtes, horrifiques et avec une conclusion à la fois sanguignolante et amusante.
Les récits se déroulent à des époques et de lieux différents et se lisent indépendamment les uns des autres.
Derrière cette forme convenue se cache notamment une trame globale bien plus complexe. Si complexe que, si les histoires d'horreur n'étaient pas aussi efficaces, on pourrait croire qu'elles ne sont qu'un prétexte pour nous amener sur un terrain bien plus glissant. Là où l'on découvre que ce que l'on lit n'est pas ce que l'on croit lire. Là où les nombreuses mises en abyme permettent au livre de se mettre en scène. Là où les personnages ne savent plus s'ils lisent une histoire ou s'ils en sont le sujet. Là où l'on découvre que le livre a toujours deux coups d'avance sur nous, qu'aucun détail n'est gratuit, de la couverture sous la jaquette à la dédicace en 3e de couverture.
Aussitôt la lecture achevée, on n'a qu'une envie : relire cet ouvrage non seulement pour le savourer une nouvelle fois mais surtout pour trouver tous les clins d'oeil et toutes les pistes disséminés entre les pages. Et ce n'est pas ce qui manque. Histoires imbriquées dans d'autres histoires telles matriochkas, mises en abyme à plusieurs niveaux, auteur se mettant en scène, boucle narrative, auteur fictif, références croisées entre les nouvelles, pièces d'un puzzle formant un tout... toutes ces astuces littéraires ont déjà été exploitées par le passé. Mais a-t-on déjà vu toutes ces techniques utilisées dans le même ouvrage, combinées de telle manière que le lecteur en perd ses repères ? Hilare ou médusé, on se laisse entraîner dans la folie enivrante de cette BD, ne sachant si l'on doit s'inquiéter de la santé mentale de l'auteur. Plus la lecture avance, plus l'irrationnel nous submerge, sans jamais vraiment nous égarer. Jusqu'au final final qui nous prouve que le scénariste, véritable virtuose, maîtrisait tout de bout en bout.
Pour rendre Justice à cette œuvre machiavélique, il fallait un écrin à sa hauteur. Heureusement, c'est un graphisme irréprochable qui nous est proposé. Les dessins, entièrement au service du récit, allient modernité et classicisme et brassent trop d'influences pour être aisément catégorisés. Quant à l'édition, elle est parfaitement adaptée au concept du livre. On appréciera le format légèrement plus grand qu'un comic-book et la jaquette que Delcourt réserve à ses meilleures œuvres (Rocketeer, Bêtes de somme, Hard Boiled...). Et nul doute que Lucy Loyd's Nightmare a sa place parmi elles.
Ce bouquin, personne ne l'attendait. Personne n'en avait même entendu parlé. Et l'on serait bien tenté de passer son chemin tant l'offre de comics est pléthorique. Ce serait une erreur. Pire, un crime. Delcourt a pris le pari de nous offrir une œuvre qui sort véritablement des sentiers battus, une œuvre audacieuse et intelligente. Cet hommage aux EC Comics est une pépite d'humour noir, aussi démentielle que jubilatoire, avec une bonne dose d'hémoglobine, d'outrages et de perversion. Que vous faut-il de plus ?
[conclusion=4,5][/conclusion][onaime]-Un concept très original
-Plusieurs niveaux de lecture
-Une œuvre drôle et cruelle
-Un graphisme impeccable[/onaime][onaimepas]
-Un délire qui pourra en dérouter certains[/onaimepas]
Une version moderne des Contes de la Crypte.
Une bonne claque ! On avance, au fil des pages, de surprises en surprises et tout le "délire" de l'auteur monte crescendo (en fin de lecture, je me suis dit : "mais qu'est ce que je viens de lire !!!). Des comics comme ça, j'en redemande..... Il porte vraiment bien son nom (ça m'avait fait penser au film "creepshow")
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